Charles Charron

Au Rendez-vous-horticole du Jardin botanique de Montréal et à chacune des années, il est courant de voir des clients se procurer 3 ou 4 plantes alpines, parfois même une seule. Ce n’est pourtant pas avec ces quelques plantes que l’on peut aménager une rocaille si petite soit-elle! Mais, cela peu très bien convenir pour remplir une auge, des pots décoratifs et même l’insérer dans une plate-bande.

Les semis nous permettent de produire un grand nombre de plantes destinées à la plantation de masse avec moins d’efforts en temps et argent. Mais les semis exigent un suivi de deux à trois ans avant de les voir fleurir avec abondance dans leurs nouveaux milieux, c’est-à-dire dans nos jardins.

Mes semis en 2021 Photo de C. Charron

Il y a, en outre, une gratification considérable à vivre avec un beau peuplement de plantes de diverses espèces, en santé. Votre précieuse rocaille est votre joie parce que vous l’avez développée à partir de ces minuscules petites graines, et par vos efforts et votre persévérance.

Vous remarquerez que dans notre société, certains membres ont des approches différentes pour faire leurs semis. L’expérience n’est pas seule garante de la réussite. Prenez en compte les contraintes de l’environnement, l’équipement, l’espace disponible pour le jardinage. De plus, avoir une serre chauffée est un avantage indéniable.

Certains travaillent en serres chaudes, d’autres en serres froides et d’autres cultivent à tout vent, à l’extérieur. Certains travaillent à se rapprocher des cycles de la nature. Bien sûr, en tenant compte le plus possible de l’environnement et des besoins spécifiques des plantes et des semences, ainsi le succès est plus souvent au rendez-vous.

Rocaille issue de semences d’alpines Photo C. Charron

Mais avons-nous tous les moyens, les connaissances pour produire nos propres semis ? Nous avons quelques échecs, ce n’est pas grave, surtout au début de nos premières expériences.

Je me souviens de mes premiers semis au sous-sol en 2003. J’ai eu plusieurs réussites. Un grand nombre de semences ont levé, mais avec quels dégâts. L’arrosage était en cause.

Maintenant, j’ai une serre à l’extérieur que je ne chauffe qu’à partir du début d’avril. J’ai des serres froides, lieux clos sans chaleur autre que celle du soleil, et enfin des tables à l’extérieur, sur lesquelles reposent mes plantules sans aucune protection.  Je privilégie davantage l’espace extérieur. Chacune de ces approches ont leurs forces et leurs faiblesses. Par exemple, dans le cas de la culture extérieure ou en serre froide, cela m’évite la fonte des semis, le vent est mon ami! Mais j’ai plus de pertes causées par les fortes pluies et les petits animaux. Je dois donc compter sur un nombre de semis plus grand pour assurer une bonne production.

De plus, pour répondre aux besoins environnementaux de mes diverses semences, j’ai plusieurs tables de croissance établies en fonctions des besoins spécifiques des plantes, tels que : l’ombre, la mi-ombre et ensoleillé. Vous comprendrez que tous ces lieux exposent mes semis au froid, au gel, à la chaleur, au vent et aux pluies. Mais ce sont des alpines, des plantes qui en ont vu d’autres.

Croissance des semis sous diverses conditions Photo C.Charron

Posons-nous la question suivante, quelles sont les conditions de vie des plantes alpines en montagne? La réponse vient d’elle-même. Elles sont là depuis des millénaires exposées aux conditions environnementales de ces lieux. Elles s’y sont adaptées et nous, en plaine, à basse altitude, nous travaillons à leur adaptation pour qu’elles s’y sentent bien et qu’elles nous donnent ce que nous attendons d’elles, dans nos aménagements.

Ces merveilleuses plantes proviennent des divers étages des montagnes: étage collinéen, montagnard, subalpin, alpin et au plus sévère des lieux, l’étage nival. Cependant, au sommet de ce dernier étage le nombre de plantes qui y vivent est plus limité.

Moi, pour m’assurer plus de succès, je compte sur le nombre. Il n’est pas rare que d’un sachet de semences, je distribue la semence dans deux, trois et même quatre pots de semis. L’avantage de cette méthode me permet une meilleure réussite au repiquage parce que les petites plantules sont moins rapprochées les unes des autres, donc leurs racines seront moins perturbées.

On parle présentement de succès, comme si toutes les semences allaient germer. Ce qui n’est vraiment pas le cas.  Lorsque nous avons plus de 50% de germination la première année, on peut considérer que nous sommes pas mal bons. Pour suivre cette logique, je conserve mes semis plusieurs années et, un beau jour, j’ai des récompenses à ma patience. J’ai vu un daphné apparaître après 5 ans d’attente.

Daphné sp. Photo C.Charron

Les semis peuvent être disposés dans presque n’importe quel type de contenant  qui soit muni de trous de drainage, mais ils doivent avoir une profondeur supérieure à 8 CM. On peut utiliser des plats en bois, pots en argile, pots en plastique, boîtes de café, etc. Il est de pratique courante de se procurer des pots fabriqués pour cet usage. Ils sont en plastique souple, munis de trous de drainages, légers à manipuler, faciles à entreposer et à nettoyer.

Dans le fond du contenant que vous utiliserez, placez environ 1 à 2 cm. de matériaux de drainage, comme du gravier grossier. Ceci n’est pas absolument nécessaire, mais si vos pots doivent être laissés à l’extérieur où ils peuvent être inondés par de fortes pluies, vous apprécierez l’avantage de cette méthode.

Remplissez vos pots d’un substrat composé d’un mélange de bon terreau, d’humus, et du sable grossier ou des gravillons concassés. Raffermissez légèrement et nivelez la surface à l’aide, par exemple, du fond d’un autre pot de mêmes dimensions.  Vous devez maintenir un espace libre à la surface d’au moins de 1 cm. entre la surface du sol et le rebord du contenant, afin de bien effectuer les futurs arrosages.

Avant de semer, humidifiez la terre en profondeur en plaçant vos pots dans une cuvette d’eau dont la profondeur de trempage se maintient au ¾ de la hauteur des pots. Laissez tremper quelques heures. Lorsque la surface est humide par le phénomène de la capillarité, vous pouvez ensuite semer.

Vous devez bien identifier vos pots de semences à l’aide d’étiquettes durables sur lesquelles vous noterez les numéros des semences et leur nom, ainsi que la date de semis. C’est ici un minimum d’information, lesquelles vous sera fort utiles par la suite.

 Une fois que les graines ont été finement dispersées à la surface du sol, recouvrez-les d’une légère couche de gravillons clairsemés de manière à laisser la lumière pénétrer. Ce revêtement de petites pierres stabilise les semences en cas de pluie.

Utiliser des gravillons Photo C.Charron

  De plus, ces gravillons soutiennent les plantules délicates. Au fur et à mesure que les petites plantes se développent, ils fournissent la surface parfaite sur laquelle le feuillage peut se poser, en particulier les feuilles poilues ou laineuses.

Toutes les graines ne germent pas dans le même laps de temps et ne répondent pas nécessairement aux mêmes conditions. Voyez à assurer un bon suivi auprès de vos semis. Certaines de vos semences ont besoin d’une période de froid appelé stratification. Ces périodes de refroidissement sont nécessaires et même indispensables pour certaines d’entre elles.

Comme les semences de nombreuses plantes de rocaille semblent profiter d’une période de basses températures pour interrompre leur dormance et qu’elles germent mieux quand l’atmosphère n’est pas trop chaude, il est préférable de semer à la fin de l’automne, en hiver ou au tout début du printemps.

Bien que certaines semences germent mieux dans l’obscurité totale, la majorité d’entre elles ont besoin de lumière pour germer. Mais toutes les semences ont surtout besoin d’une bonne lumière lorsque  les cotylédons apparaissent. Nous vous recommandons de visiter notre site Web aux Bases de données de germination préalablement à vos semis.

Il est également important que les récipients dans lesquels les graines sont semées ne soient jamais complètement secs. Toutefois, lorsque vos semences refusent de germer, une petite période de sécheresse suivie d’un bon arrosage peut être de bon augure.

Certaines semences, germent dès que le sol commence à dégeler au printemps : les plantules ne semblent pas être endommagées par les brèves périodes de gel qui peuvent survenir la nuit au début du printemps. Il est tout de même bon de les recouvrir d’une bâche si vous doutez de leur rusticité.

Certaines semences retardent leur germination sans raison apparente, aucun contenant de semences non germées ne devrait être jeté à moins de deux ans d’attente. Soyez patients, maintenez vos pots à l’extérieur dans une aire légèrement ombragée et protégée des petits animaux.  Il arrive que les semences aient été mal dispersées sur la surface des pots et l’on voit apparaître des touffes serrées de plantules. Alors, afin d’en aider la croissance et d’en faciliter la mise en pots à venir, il convient d’éclaircir les plantules en utilisant des ciseaux pointus.

Saxifraga sempervivum K.Koch  Semence reçu d’un ami d’Italie    Photo C. Charron

Bonne chance et vivez bien ces petits miracles de la vie.